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Quelle stratégie adopter pour la protection des innovations?

  • Photo du rédacteur: Marie  Berthelot
    Marie Berthelot
  • 18 janv. 2022
  • 9 min de lecture

Une entreprise innovante quelle que soit sa taille doit réfléchir à sa stratégie de protection de ses inventions (nouveau concept) ou de ses innovations (amélioration d’un concept existant).


« L’innovation résulte de décisions d’investissement, notamment en recherche et développement (R&D) de la part d’entrepreneurs qui cherchent à obtenir une rente en innovant.

Source: Le pouvoir de la destruction créatrice de Philippe Aghion, Céline Antonin et Simon Bunel.


Il est important pour les entreprises de comprendre les enjeux et les atouts de chaque possibilité pour définir une stratégie éclairée selon les attentes et les besoins de l’entreprise.


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Photo de Noelle Otto provenant de Pexels


La divulgation volontaire ou stratégie open source


Certaines entreprises ou institutions publiques ne protègent pas les évolutions de leurs technologies. C’est une décision stratégique en lien avec leurs missions et leur vision. Elles souhaitent transmettre le savoir acquis dans le cadre de leur recherche afin de ne pas conserver un monopole d’utilisation de la technologie dont ils ont l’expertise et ainsi participer au développement du savoir auprès de toutes les parties prenantes intéressées.


Cette stratégie nommée « open source » est notamment pratiquée par les entreprises éditrices de logiciels notamment dans le but de collaborer avec une communauté de développeurs. C’est un partage d’information pour coopérer et s’entraider et donc innover.


D’autres entreprises vont opter pour une stratégie systématique de protections de leurs droits de propriété intellectuelle et industrielle alors que d’autres encore vont analyser au cas par cas, selon l’innovation ou l’invention créée, la nécessité de se protéger.



La stratégie de protection par le Secret


La protection d’une innovation technologique est une stratégie qui nécessite l’application de mesures strictes en interne notamment par la mise en place d’un processus de non divulgation des informations auprès des salariés non impliqués et de contractualisation de non divulgation auprès des salariés détenant le savoir.


Elle implique également des mesures de sécurité importantes au niveau du système d’information de l’entreprise.

Cette stratégie ne permet pas à la concurrence d’étudier la technologie par l’analyse de publications rendues possible par la publication de brevets ou de publication sous copyright.


Cependant la pratique de rétro-ingénierie (analyse du produit conçu) par la concurrence, se développe et rend fragile la protection du savoir technologique pour la protection des logiciels par droit d’auteur.

Le droit d’auteur


La convention de Berne signée par 178 pays protège une œuvre littéraire « qui traitent des sciences exactes et naturelles et de la technologie » pendant trois années. Les logiciels sont donc protégés au titre du droit de la propriété littéraire mais peuvent également faire l’objet de dépôt du code source auprès de l’agence pour la protection des programmes (APP), à la société des gens de lettres (SGDL) et par le biais de la société Logitas.


Il est important d’être conscient qu’en cas de litige devant un tribunal, que l’auteur de la création sera responsable de fournir la preuve qu’il est le véritable auteur de la publication et aura la charge de fournir les documents nécessaires pour prouver l’antériorité du droit sur l’œuvre.


Un organisme Français (Copyright France) propose l’enregistrement des œuvres avec un horodatage permettant à l’auteur de conserver une preuve en cas de litiges. Les frais afférents à cette formalité sont très peu élevés (19 euros pour une œuvre).


La stratégie de protection des droits de propriété industrielles par l’utilisation d’outils


Il existe plusieurs stratégies et outils pour protéger ses droits de propriété industrielles issus de l’innovation technologique.


L’institut national de la propriété intellectuelle (INPI) en France, propose plusieurs outils adaptés à différentes étapes des innovations des entreprises.

L’enveloppe Soleau

L’enveloppe Soleau permet l’horodatage d’un projet, d’une recherche ou d’une œuvre en cours etc. Elle permet de prouver le nom de l’auteur et de la date d’antériorité du projet. L’intérêt de cette enveloppe est que son contenu n’est pas analysé par l’office d’enregistrement et qu’un projet même s’il n’est pas terminé peut faire l’objet d’une protection qui permet de fournir une preuve d’antériorité en cas de litige. Cependant, il est important de noter que ce procédé de protection ne confère pas de droit de propriété intellectuelle et n’est donc pas valorisable dans les biens immatériels de l’entreprise.


Le certificat d’utilité, une alternative aux brevets

L’intérêt d’un dépôt de certificat d’utilité est de protéger rapidement une invention qui a une durée de vie courte. Il permet à l’instar des brevets d’obtenir un titre de propriété industrielle en contrepartie de la divulgation de son invention (18 mois après dépôt). La période maximale de protection est réduite à 10 ans (20 ans pour un brevet) et vise exclusivement une protection sur le territoire Français. Il peut être utilisé par la suite comme antériorité dans une demande de brevets.


La demande provisoire de Brevets

La demande provisoire de Brevets est un outil mis en place par l’INPI pour permettre aux entreprises de protéger leur innovation en bénéficiant d’une formalité de dépôt allégé nécessitant seulement une description technique de l’innovation. Elle permet d’acquérir un droit prioritaire de dépôt de brevet par la suite.

Ce mécanisme est peu coûteux et ne nécessite pas obligatoirement l’intervention d’un conseil en propriété intellectuelle pour rédiger le brevet.

Ce mécanisme permet à l’entreprise de protéger rapidement une innovation. La décision de déposer un brevet pourra être analysée dans un délai d’un an. Ce qui permet à l’entreprise de tester au préalable l’innovation sur son marché.

Il est important de noter que si la demande provisoire de Brevets ne fait pas l’objet d’un dépôt de brevet, il sera réputé retiré, et ne sera pas publié. L’innovation restera donc secrète.



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La protection des droits de propriété industrielles par le dépôt de brevets


Un brevet « est un droit privé octroyé par une administration publique. Il n’a d’effet juridique que dans le pays (ou la région) où il a été délivré. Les inventeurs ou les entreprises qui souhaitent protéger leurs technologies sur les marchés étrangers doivent donc demander une protection par brevet pour leurs nouvelles technologies dans ces pays. » (INPI)

Ce droit est octroyé au déposant pour une durée maximale de 20 ans après quoi l’invention déposée tombera dans le domaine public.


Cette protection permet au déposant du brevet d’interdire à toute autre entité ou personne physique d’utiliser la technologie brevetée à des fins commerciales sur les territoires pour lesquels la technologie est déposée.


Une stratégie de dépôt de brevets a plusieurs avantages que je décris ci-dessous.


La stratégie de dépôt de brevets permet de prendre un leadership technologique et générer des revenus


En 2019, l’INPI publie son palmarès des dépôts de brevets qui classe les entreprises industrielles françaises en nombre de dépôt de brevets.

Cette publication nous permet de constater que certains grands groupes industriels ont clairement intégré une stratégie de protection de leurs innovations par les dépôts de brevets (PSA, CEA, CALEO, RENAULT etc.).


Ces entreprises en retirent une certaine notoriété car ce classement leur permet d’apporter la preuve de leur capacité d’innovation et d’utiliser cette preuve dans leur communication.


Mais au-delà de ces aspects de notoriété, ces entreprises déposantes de brevets cherchent à en tirer d’autres bénéfices car un brevet a un coût (coût de rédaction par un CPI, et coût administratif) et la notoriété ne suffit pas à combler cet investissement. L’investissement de l’activité de R&D est concrétisé par le dépôt des brevets de l’entreprise permettant d’ajouter de la valeur (capital immatériel) à l’entreprise.


Par cette stratégie de dépôts de brevets les entreprises cherchent également à générer une rente d’innovation.

Les barrières à l’entrée créées par l’interdiction d’utiliser la technologie brevetée permet à l’entreprise déposante d’avoir un certain monopole industriel et d’avoir un meilleur contrôle sur la commercialisation et le prix de sa technologie. Cette stratégie renforce pendant un temps le pouvoir du déposant sur la concurrence.

Il est courant que les entreprises intéressées par cette technologie brevetée acquièrent le droit de l’utiliser par le biais de licence et de versement d’annuités au déposant ou par le biais de contrat de collaboration en échange d’un autre savoir-faire ou d’une autre technologie.


Le dépôt de brevets a donc un intérêt d’image pour l’entreprise, un intérêt de pouvoir sur le marché technologique sur lequel elle s’inscrit mais également un intérêt économique et financier.


La stratégie de dépôt de brevets permet de diffuser l’innovation tout en affichant son "pouvoir" vis à vis de la concurrence


Un brevet lorsqu’il est déposé, est publié au bout de 18 mois. Toute personne intéressée par la technologie brevetée peut donc se nourrir des travaux des inventeurs. Cette publication permet la diffusion du savoir d’innovation et permet de générer de nouvelles innovations.

Un brevet déposé peut faire l’objet d’un nouveau dépôt de brevet par le primo déposant ou par un tiers déposant si le nouveau brevet déposé inclut une réelle amélioration. Cette amélioration est analysée par les offices d’enregistrement avant le dépôt effectif du brevet et après étude des revendications du brevet déposé.


Ce dépôt d’amélioration permet au tiers déposant de créer une relation de pouvoir avec les primo déposants de brevets de cette technologie. Les Primo déposants ont toutefois la possibilité de s’opposer aux nouveaux dépôts de brevets sans avoir l’assurance que leur requête sera acceptée par l’office d’enregistrement.


Par le dépôt de ces brevets d’amélioration les entreprises déposantes créent une relation de pouvoir avec les primo déposants. Plus l’amélioration proposée est importante plus le jeu de pouvoir sera amplifié.

Les entreprises déposantes s’exposent donc au fait que la technologie innovante même si elle ne peut pas être utilisée commercialement par une entreprise, pourrait inspirer d’autres inventeurs et accélérer les innovations de cette technologie.


C’est donc un atout pour le cycle d’innovation mais également un enjeu de pouvoir car il faut être capable d’innover toujours plus vite que le concurrent pour ne pas perdre sa position de leader sur la technologie maitrisée.


La stratégie de dépôt de brevets permet d'inciter à l’innovation en interne dans l’entreprise


Certaines entreprises mettent en place dans leur management de l’innovation, des incitations à l’innovation et au dépôt de brevets. En effet, Il est courant dans les grandes entreprises que des primes sur objectif soient liées à un nombre de dépôts de brevets fixé pour l’entreprise ou pour un pôle d’ingénierie responsable du développement d’une technologie spécifique.

La prime d’invention est également un moyen d’inciter les ingénieurs à proposer des solutions innovantes. Cette prime peut être par exemple attribuée à l’inventeur lorsque le dépôt de brevet a été validé par l’office d’enregistrement.

C’est d’une part une reconnaissance de l’innovation dont a fait preuve l’ingénieur en citant le nom et prénom de l’ingénieur lors du dépôt de brevet et d’autre part une reconnaissance financière par l’attribution d’une prime.


Cette incitation peut permettre d’engager les salariés dans un processus d’innovation dynamique pour atteindre les objectifs de l’entreprise.

La stratégie de dépôt de brevets permet de faciliter l’accès aux financements et obtenir des déductions fiscales

Une entreprise détenant des brevets technologiques détient un argument supplémentaire pour ses demandes de financement auprès des banques ou des financeurs privés. C’est un gage de confiance supplémentaire pour les financeurs car il permet de catégoriser l’entreprise comme innovante et donc capable de créer de la valeur sur le long terme.


De plus, des incitations fiscales sont mises en place par les États pour les entreprises ayant des investissements en R&D ce qui tient compte également des coûts de dépôts des brevets.


Pour la France « Le crédit d’impôt s’élève à 30% de la fraction des dépenses de recherche n’excédant pas 100 millions d’euros et 5% au-delà. Les PME peuvent demander le remboursement immédiat du crédit d’impôt, de même que les entreprises nouvelles et les jeunes entreprises innovantes. Enfin, un crédit d’impôt innovation (CII), prolongeant le crédit d’impôt recherche, est désormais ouvert aux PME : il s‘élève à 20% des dépenses engagées à partir du 1er janvier 2013 et relatives à la conception de prototypes ou d’installations pilotes destinés à la création de nouveaux produits ou procédés aux performances améliorées. » (Source : Étude comparative sur la fiscalité des brevets en Europe)


Le dépôt de brevets peut donc engendrer des réductions fiscales que les entreprises doivent analyser dans le cadre de la définition de leur stratégie de protection. Certes le dépôt d’un brevet peut engendrer des coûts pour l’entreprise mais il permet également de bénéficier d’une légitimité auprès des financeurs et de réduire les impôts sur les sociétés.


La protection des droits de propriété industrielle doit donc être vue comme un outil au service de la stratégie de l’entreprise car elle présente des avantages tant en interne qu’en externe (schéma ci-dessous).


Cette stratégie de dépôt de brevet doit donc être analysée par les entreprises technologiques au regard de l’ensemble des points abordés, l’enjeu de notoriété, l’enjeu de pouvoir et de maitrise de la technologie face à la concurrence, l’incitation à l’innovation et les aspects financiers.


De mon point de vue, plus l’innovation technologique permet de se différencier sur le marché et vis-à-vis de la concurrence, plus la stratégie de protection doit être favorisée par l’entreprise.

Bien entendu en tenant compte de la vision et de la mission de l’entreprise: une entreprise qui a une mission de service public par exemple n’aura pas forcément la même approche qu’une société ayant une vision individuelle de sa performance.


La protection des droits de propriété intellectuelles par le dépôt marque ou de dessins et modèles

La protection de ses produits tant au niveau de leur apparence qu’au niveau du nom de la marque est importante. En effet, la contrefaçon de produits est une pratique très répandue et pour agir sur une contrefaçon, le requérant a la charge de prouver que le produit contrefait porte atteinte à son droit de propriété. Les dépôts de marque et de dessins et modèles permettent d’agir et de fournir une preuve lors de litiges.


Lors de l’inscription au registre des sociétés d’une entreprise, il est très répandu que la marque de l’entreprise soit déposée simultanément. La protection de noms de produits est également importante car il permet de distinguer ses produits de ceux de la concurrence.


Une réflexion stratégique sur la protection des produits doit être menée en collaboration entre le service juridique ou le prestataire de conseil et le service marketing de l’entreprise.


Tableau comparatif synthétisant les différentes stratégies de protection des innovations technologiques.

Avantages

Inconvénients

La divulgation volontaire (open source)

- Empêche tout monopole

- Facilite l’adoption de standard

- Encourage la collaboration pour faire évoluer la technologie

- L’entreprise divulgatrice ne peut plus prétendre au monopole à postériori

- Les concurrents peuvent bénéficier du savoir sans participer aux frais de R&D

La protection des droits par l’application du droit d’auteur ou du droit de la propriété intellectuelle (Brevets)

- Permet d’interdire la commercialisation de la technologie par un concurrent (fabrication, utilisation, importation)

- Maitrise de la technologie affichée sur le marché

- Valorise le capital immatériel de l’entreprise

- Incite la collaboration (partenariat) avec d’autres acteurs du marché

- Facilite l’accès aux financements et aux avantages fiscaux

- Argument commercial puissant

- Permet de vendre tout ou partie de la technologie protégée sous forme de licence

- Lors de la publication du brevet, le savoir est partagé et nourri la concurrence

- Le dépôt de brevet peut avoir un coût élevé pour l’entreprise

Pour protéger totalement sa technologie une entreprise doit surveiller le marché pour identifier de potentiels abus d’utilisation de sa technologie.

Le Secret

Le savoir-faire-secret

- Permet de garder au sein de l’entreprise les avancées technologiques

- Permet de ne pas être une source d’inspiration pour les concurrents

Adapté pour ce qui n’est pas visible sur le produit

- Des règles de confidentialité très forte à instaurer en interne

- Difficile d’avoir une entreprise totalement hermétique

- La sécurité du système d’information doit être très élevée

Un concurrent peutdéposer un brevet et perturber la liberté d’exploitation de la technologie.

Conclusion:


Il appartient à chaque entreprise d’analyser les avantages et inconvénients de chaque solution et de construire une stratégie de protection en fonction des enjeux et des ambitions de l’entreprise.


À noter, que la commission Européenne et l’EUIPO lance un fond de subvention de 20 millions d’euros pour soutenir et inciter les petites et moyennes entreprises à protéger leurs droits de propriété intellectuelle. La plateforme « Ideas Powered for business » permet d’obtenir les conditions et le calendrier de ce programme.

 
 
 

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© 2021 par Marie Innov.

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