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Une révolution industrielle provoque des changements économiques, sociaux et culturels.

  • Photo du rédacteur: Marie  Berthelot
    Marie Berthelot
  • 16 déc. 2021
  • 8 min de lecture

Dernière mise à jour : 17 déc. 2021

Un changement économique par vague



Au niveau économique, une révolution industrielle induit une vague de croissance économique que l’on peut constater par le taux de croissance de la productivité ou l’augmentation du PIB « Toutefois, on note un décalage temporel entre l’invention de la technologie à l’origine de la vague et le décalage de la croissance qui matérialise effectivement la vague » (Aghion, Antonin, & Bunel, 2020)


Dans son article « les perspectives de croissance économique. Quels espoirs fondés sur l'innovation ? », C. Du Granrut indique que « l’histoire économique empêche d’avoir une version idéalisée du rôle du progrès technique dans la croissance économique » notamment du fait de la difficulté de pouvoir corréler économiquement le progrès technique à une hausse rapide de la croissance économique.


L’économiste Américain Robert Solow constate en 1987, que l’arrivée des ordinateurs n’a pas provoqué immédiatement de gain de productivité sur le marché. Il indique que « l’on voit des ordinateurs partout, sauf dans les statistiques ».

« Le paradoxe de Solow » est le terme utilisé aujourd’hui pour nommer ce décalage de temporalité entre le gain de productivité et l’arrivée d’une nouvelle technologie sur le marché.


Dans l’ouvrage Nouvelle économie, les auteurs expliquent que « l’augmentation des investissements informatiques ne produisent leurs effets que s’ils sont associés à une réorganisation du travail permettant une adaptation à ces nouvelles technologies ». (Cohen, Debonneuil, Strauss-Kahn, & Didier, 1998)


En effet, une révolution industrielle introduit une « technologie générique » que les entreprises s’approprient pour créer des innovations secondaires. La capacité d’appropriation dépendra des secteurs d’activité des entreprises et n’est pas effectuée simultanément sur l’ensemble des marchés. C’est ce processus long d’appropriation de la technologie qui entraîne un décalage de la croissance.

Un autre facteur induit que le processus d’appropriation des nouvelles technologies est long et que la croissance est en décalage. C’est le facteur prix.


En effet, une technologie émergente aura un prix très élevé lors de son apparition. Le cycle de baisse de prix dépend de la capacité des acteurs du marché à créer des innovations secondaires permettant aux entreprises et aux citoyens d’acquérir cette technologie à un prix adapté.



Exemple :

L’apparition de la connexion internet grand public et son adoption par les foyers français illustre ce long processus. Depuis le lancement de la première offre d’accès à internet public par Oléane (1989-1998), la technologie de l’accès internet s’est déployée dans les foyers des pays développés progressivement avec l’apparition de nouveaux opérateurs sur le marché. (Club internet, Imaginet en 1995 ou encore Wanadoo (Orange), Tiscali, Neuf télécom).

En 2006, « 41% des ménages français étaient équipés d’un accès internet contre 89% en 2018 » (source Statista).


Une progression importante de l’acquisition de cette technologie par les foyers a été possible par la multiplication des offres à des prix de plus en plus abordables. Ces offres ont pu être faites grâce aux différentes innovations secondaires des TIC et notamment au dégroupage qui consiste à séparer la ligne de l’internaute avec celle de son abonnement téléphonique fixe historique.



Un changement des modes de consommation

La démocratisation des technologies par la création de produits et services destinés au grand public à un tarif accessible, engendre une modification des comportements des consommateurs.


Exemple :

La révolution industrielle des TIC a induit l’accélération de la présence sur internet des entreprises et du développement du commerce sur internet. Les différentes générations d’individus (notamment X, Y et Z) se sont appropriées ces technologies et l’utilisent quotidiennement par le biais de leur ordinateur ou de leur smartphone pour acheter des biens ou souscrire à des services en ligne. L’utilisation du commerce sur internet croit depuis 2015 d’environ 10% par an et est passé de 62,9 milliards d’euros en 2015 à plus de 100 milliards d’euros en 2019.


Or nous constatons aujourd’hui, notamment en France et plus fortement encore depuis l’apparition de la Covid 19 que beaucoup de commerçants ne se sont pas appropriés cette technologie secondaire qui consiste à se créer une présence en ligne par l’utilisation des réseaux sociaux ou la création d’un site web de vente en ligne.


Lors du premier confinement, les commerçants qui n’étaient pas présents en ligne ont dû faire preuve d’ingéniosité. Certains comme les restaurateurs et les commerces de proximité ayant une clientèle fidèle ont su adapter leur stratégie de vente notamment en mettant en place de la vente à emporter et en communiquant via les réseaux sociaux ou par téléphone avec leurs clients.


Le fait de ne pas s’être approprié cette technologie du numérique et de ne pas avoir digitalisé leur processus de commandes a rendu plus difficile la gestion de cette crise et même si certains ont réussi à s’adapter, d’autres ont pu subir des pertes considérables.


Les nouvelles entreprises se créent sur la bases des nouvelles technologies alors que les entreprises plus anciennes doivent s’adapter et investir pour évoluer ou disparaître. La création de nouvelles technologies peut engendrer la destruction des entreprises qui ne se sont pas appropriées ces technologies ou de celles qui n’ont pas fait évoluer leur technologie cœur de métier. Les évolutions technologiques favorisent donc le processus de destruction créatrice.


De par l’exemple de la révolution technologique des TIC, nous pouvons confirmer que les innovations technologiques en grappes provoquent des changements de comportement chez les consommateurs. Même si l’appropriation de ces technologies peut être longue pour les individus du fait de leur complexité au démarrage et de leur prix.

L’accélération de l’utilisation de ces technologies est provoquée par une démocratisation des technologies grâce aux innovations secondaires multiples qui en découlent.


Les entreprises pour répondre aux nouveaux usages et aux nouveaux comportements des consommateurs doivent elles-mêmes s’approprier ces innovations secondaires sous peine de perdre leur clientèle et de ne plus pouvoir proposer des offres et des services adaptés au nouveau mode de consommation.


Impact social des révolutions technologiques : le chômage technologique


L’impact majeur craint par l’ensemble de la société lors de l’apparition des évolutions technologiques est le bouleversement qui peut être provoqué sur le marché de l’emploi. En effet, les évolutions technologiques modifient les processus industriels en remplaçant certains postes tenus par des humains salariés par des machines intelligentes. John Mark Keynes, parlait de « chômage technologique ». La technologie effectue les tâches à la place des Hommes.

Mais quels sont les emplois réellement impactés par ces nouvelles technologies. Tous les emplois sont-ils impactés de la même façon ?


« Les avancées technologiques accroîtraient la demande en main-d’oeuvre qualifiée par opposition à la main d’oeuvre non qualifiée : en conséquence, le chômage des moins qualifiés augmenterait, de même que les écarts salariaux et donc le rendement de l’éducation. » (Aghion, Antonin, & Bunel, 2020)


Klaus Schwab confirme l’existence de la problématique du « chômage technologique » mais soulève également le fait que l’apparition des nouvelles technologies provoque « l’accroissement de nouveaux biens et services et entraîne la création de nouvelles professions, de nouvelles entreprises et de nouveaux secteurs d’activités. » (Schwab, 2017)


Encore une fois la théorie de destruction créatrice prend tout son sens. L’émergence des nouvelles technologies provoque la suppression d’emploi mais permettrait également d’en créer des nouveaux.

La théorie de « destruction créatrice », les révolutions industrielles et les processus d’innovation.


Une étude menée par (Aghion, Antonin, & Bunel, 2020) basée sur l’automatisation des usines permet de démontrer qu’au niveau de l’usine : « l’impact de l’automatisation sur l’emploi est positif, et croît même au cours du temps ». Ils constatent également que « l’automatisation génère des gains de productivité ».

Cette étude a également été menée au niveau de l’industrie : « l’automatisation va de pair avec une hausse de la compétitivité, une hausse des parts de marché à l’international et une hausse de l’emploi ».


Pour conclure leur étude, les auteurs affirment que les « entreprises qui investissent de façon substantielle dans de nouvelles machines réduisent notablement leur probabilité de mettre la clé sous la porte au cours des 10 années suivantes. »


Dans son ouvrage « la quatrième révolution industrielle », Klaus Schwab, indique que « la quatrième révolution industrielle créera moins d’emplois que les précédentes révolutions ». Il explique que « les nouvelles technologies issues de la quatrième révolution industrielle comme les machines dotées d’intelligence artificielle" seront capables de remplacer 47% des emplois aux États Unis dans les 10 ans ou 20 ans à venir ». (Schwab, 2017).


Afin de limiter ou de contrecarrer les plans du « chômage technologique » les auteurs se rejoignent pour dire que « l’anticipation des changements des compétences nécessaires, l’adaptation des politiques de ressources humaines et la formation des personnes seront indispensables. » Les compétences « hautement qualifiées » qui étaient recherchées sur le marché du travail comme la capacité physique ou les compétence techniques « seront dé-priorisées en faveur des capacités cognitives, des compétences systémiques et de la capacité à résoudre des problématiques complexes ». (Whiting, 2020).


Impact culturel des révolutions technologiques sur les entreprises et les salariés


La 3ème révolution industrielle a notamment permis de démocratiser l’accès aux ordinateurs et au partage d’informations via les technologies numériques. Ces technologies permettent aujourd’hui à toutes les entreprises digitalisées d’organiser pour tout ou partie de leurs salariés et de leurs activités, le travail à distance.


L’impact de la crise sanitaire de la Covid-19 a accéléré ce processus de mutation du travail en imposant cette mesure par la mise en place d’un confinement strict en mars 2020. Cette mesure a provoqué une réelle rupture dans l’organisation des entreprises et dans celles des salariés encore plus fortement pour celles et ceux qui n’étaient pas équipés et organisés.


Les entreprises ayant suivi cette mutation technologique et ayant la capacité de s’organiser rapidement (équipement informatique adapté, digitalisation, formations des salariés) se sont plus facilement adaptées à cette rupture organisationnelle.


« Collaborer de n’importe où avec n’importe quel terminal : la transformation digitale forge de nouvelles attentes et de nouveaux usages. Elle concerne tous les pans de l’organisation de l’entreprise et modifie la relation traditionnelle au lieu de travail et au lien social entre salariés comme avec les clients et fournisseurs. Une évolution qui constitue un défi tout à la fois pour le management et pour la sécurité et la performance des outils, et nécessite une conduite du changement continue. » (Vallejo, Denervaud, & Gia, 2014)


Klaus Schwab indique que « la dernière révolution industrielle a modifié le rapport au travail des salariés. » Les moyens technologiques à leur disposition leur permettent de travailler de manière plus indépendante en répondant aux demandes des entreprises sans être salariés. Il parle « d’économie à la demande ». Une entreprise qui a besoin d’une compétence spécifique utilisera les compétences d’un travailleur indépendant pour réaliser des missions sans devenir salariés de l’entreprise.


Ces travailleurs indépendants font partie d’une plateforme nommée « human cloud ». Ils en tirent une satisfaction professionnelle plus importante par le fait d’être indépendant et d’offrir leurs compétences sur des missions dont ils ont l’expertise. Mais sont-ils pour autant informés et formés suffisamment pour que cette satisfaction personnelle soit de longue durée ? Pour l’entreprise utilisant ces ressources, les avantages sont notamment de ne pas être soumis aux mêmes règles qu’un salarié d’entreprise : pas de salaire minimum ni de taxes complémentaires.


Même si ce modèle de travailleur indépendant a des côtés positifs, Klaus Schwab nous alerte sur les risques d’abus de ce modèle qui est « susceptible de rendre ces travailleurs indépendants précaires ». Il affirme qu’il est nécessaire « d’inventer de nouvelles modalités de contrat social et du contrat de travail adaptées à l’évolution de la main d’œuvre et de la nature du travail ». (Schwab, 2017)


Sources utilisées:

· Schwab, K. (2017). La quatrième révolution industrielle. DUNOD.

· Vallejo, J.-L., Denervaud, I., & Gia, V. (2014). DIGITAL : CHRONIQUE D'UNE MUTATION DU TRAVAIL. L'Express - Roularta | « L'Expansion Management Review », 120 à 128.

· Whiting, K. (2020, Octobre 21). These are the top 10 job skills of tomorrow – and how long it takes to learn them. Récupéré sur www.weforum.org: https://www.weforum.org/agenda/2020/10/top-10-work-skills-of-tomorrow-how-long-it-takes-to-learn-them/

· Aghion, P., Antonin, C., & Bunel, S. (2020). Le pouvoir de la destruction créatrice. Mayenne: Odile Jacob.

· Cohen, D., Debonneuil, M., Strauss-Kahn, D., & Didier, M. (1998). Nouvelle économie. La documentation française.

 
 
 

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